Selon un récent rapport de la Banque mondiale, 184 millions de personnes, dont 37 millions de réfugiés, séjournent à présent en dehors de leurs pays d’origine. Le nombre de réfugiés a triplé ces dix dernières années, sous l’effet des conflits militaires (guerres en Syrie et en Ukraine notamment) qui entraînent d’importants mouvements de population, mais aussi du changement climatique.
Dans un proche avenir, les migrations climatiques devraient ainsi s’accroître puisque 40 % de la population mondiale vit dans des zones impactées par le réchauffement de la planète.
En parallèle, dans les pays développés, la natalité diminue et les secteurs en tension manquent de main-d’œuvre. La Banque mondiale préconise donc aux gouvernements de mieux gérer les flux migratoires, en octroyant davantage de protection aux demandeurs d’asile et en régularisant les travailleurs sans papiers, car les économies développées ont besoin de cette main-d’œuvre.
Troisième voie
De nombreuses associations françaises (Forum Réfugié Cosi, Cimade, France Terre d’accueil, FNDSA, etc.) agissent en faveur de l’intégration des réfugiés depuis des années. Leurs actions sur le terrain peuvent servir de modèle de la coopération qui existe entre différents acteurs (associations avec des bénévoles et des salariés, habitants, entreprises et institutions publiques) pour créer un "greater good", c’est-à-dire un "bien commun", comme l’entend Elinor Ostrom, lauréate du prix "Nobel" d’économie en 1997.
La politologue et économiste américaine définit le bien commun comme :
"Un _système de ressources communes durables autogouvernées et auto-organisées."
Ainsi, en plus de la gestion des biens communs classifiée comme privés ou publics, se dégage une troisième voie, selon laquelle les biens (matériels ou non matériels) peuvent être créés et gérés par une communauté qui est capable de s’autogérer et de s’auto-organiser.
L’hospitalité comme bien commun
Dans notre récent article de recherche, publié dans la revue scientifique Management International, nous investiguons le cas de ce type de communauté construite autour d’un projet d’hospitalité constructive IMBY : "In my back yard".
Le projet a été initié et mené par l’association Quatorze afin de construire des petites maisons (tiny house ou maison minuscule) dans les jardins de particuliers et d’organiser une communauté qui aidera une personne réfugiée. Cette aide porte non seulement sur son accès aux droits administratifs et à la santé, mais aussi sur son intégration dans la société, en lui offrant un hébergement et en l’orientant si nécessaire vers une formation, ou encore en l’aidant à s’insérer sur le marché du travail. Les tiny houses sont co-construites par Quatorze, les réfugiés et les voisins du quartier lors de chantiers participatifs.
La fabrication d'un bien commun par l’hospitalité constructive suppose une coopération bienveillante et efficace entre propriétaires, architectes, habitants et différentes associations qui participent au projet. Les méthodes de gestion innovantes, qui ne rentrent pas dans la catégorie de la gestion des biens "publics" ou "privés", mais qui permettent à cette communauté de s’auto-organiser, sont particulièrement intéressantes.
Une initiative à soutenir
Ce cas a mis en lumière l’importance du rôle de chef de file pour la coordination, la résolution des conflits et l’instauration des normes sociales de la communauté. Il a fait également apparaître l’existence de partenariats sociaux entre acteurs de différents secteurs qui décident volontairement de collaborer pour résoudre un problème social, celui de l’intégration et de l’autonomie des personnes en exil.
Le cas du projet IMBY démontre ainsi qu’avec de la volonté et l’engagement de tous les acteurs, il est possible de surmonter les obstacles institutionnels et humains et de construire un bien commun bénéfique à toutes les parties prenantes. Le rôle des gouvernements serait donc de laisser faire et même de soutenir ce type de démarche citoyenne.
Magdalena Godek-Brunel, Enseignant-chercheur, International Business, ESCE International Business School et Catherine Mercier-Suissa, MCF-HDR en sciences économiques, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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